Quelle est votre réaction suite au choix du conciliateur du CNOSF de mettre fin à la procédure disciplinaire (*) en cours contre Kevin Escoffier ?
Il y a une surprise. Dans ces affaires-là, on doit gérer une commission de discipline mais nous ne sommes pas un tribunal. Dans les axes qui nous ont été donnés par le Ministère et notamment dans le guide juridique, il est explicitement marqué que, pour des faits de violence sexuelle, il n’y a que l’autorité judiciaire qui peut décider d’une confrontation ou d’une mise en présence et sous certaines conditions prévues par la loi.
L‘absence de confrontation entre les plaignantes et l’accusé, c’est ce que vous reproche la partie adverse ?
Nous avons fait de la contradiction, ce qui signifie que l’ensemble des témoignages écrits ont été mis à la disposition de la défense mais nous n’avons pas fait de confrontation. Cela a été volontairement écarté, à la fois par cette directive ministérielle mais aussi parce que nous ne sommes pas en capacité de le faire. Une fédération ne peut pas, elle n’est pas équipée pour faire des confrontations entre des victimes et un mis en cause.
La FFVoile est-elle allée trop vite ?
Toutes nos actions sont encadrées par le code du sport. La fédération a le pouvoir disciplinaire, il y a ensuite les sanctions administratives et judiciaires. Les fédérations sont en premières lignes car, dans le timing, ce sont elles qui doivent répondre en premier. Nous devons répondre dans le cas d’une commission de discipline et, en aucun cas, sous une forme judiciaire.
Ne faudrait-il pas attendre que la justice se prononce avant que les fédérations ne prennent des sanctions disciplinaires ?
C’est un débat qui peut exister. D’ailleurs, on interroge le Ministère et le CNOSF pour savoir comment on avance sur ces sujets-là. Il faudra certainement aussi travailler avec la justice afin que soit clarifié et mieux encadré juridiquement le rôle des fédérations en matière disciplinaire concernant les faits de violences sexistes et sexuelles. La FFVoile a rempli sa mission disciplinaire. La volonté est de voir cette affaire traitée dans le cadre de la procédure pénale en cours. Procédure qui s’appuie sur le signalement que la FFVoile avait réalisé auprès du Procureur de la République sur la base de l’article 40 et sur les plaintes des victimes. Nous, on a fait le travail : deux commissions indépendantes ont considéré qu’il y avait suffisamment de faits et d’indices pour avoir une sanction disciplinaire. Le conciliateur du CNOSF propose qu’on retire cette sanction pour vice de procédure. On en prend bonne note et on s’exécute.
Ce qui signifie que Kevin Escoffier est aujourd’hui libre de prendre part à une régate organisée par la FFVoile ?
Oui. Nous avons accepté cette proposition de conciliation mais cela ne veut pas dire que le conseil d’Escoffier accepte cette proposition. Son conseil peut aller au tribunal administratif derrière. Nous avons fait notre travail, celui qu’on nous demande de faire avec les commissions disciplinaires. Avec cette conciliation que nous acceptons, il n’y a plus de sanction disciplinaire. Une fédération, c’est un pouvoir disciplinaire et uniquement disciplinaire par rapport à des actions. Le problème, c’est qu’on veut tout de suite que la décision de la fédération soit comme si c’était la réponse d’un tribunal. Or, nous n’en avons pas les pouvoirs, nous n’en avons pas les moyens, ce n’est pas notre métier.
Avez-vous d’autres affaires de ce genre à traiter avec des licenciés moins connus ?
Oui, nous avons un certain nombre de signalements. Les fédérations traitent plusieurs affaires de ce type-là et il y a des sanctions disciplinaires qui tombent, passent inaperçues et les affaires suivent leur cours sur le plan administratif et pénal. C‘est compliqué à gérer pour des fédérations, c’est aussi compliqué pour la justice mais ce n’est pas parce que les choses sont compliquées qu’on ne doit pas trouver des solutions.
(*) Pour rappel, le 9 octobre 2023, la FFVoile avait prononcé à l’encontre du skipper une interdiction temporaire de participer à ses manifestations pendant 18 mois, un retrait provisoire de licence pendant 5 ans avec sursis et une inéligibilité de 10 ans à ses instances dirigeantes. Cette décision disciplinaire avait été confirmée en appel, le 10 janvier 2024, à cela près que la peine d’inéligibilité passait de 10 à 5 ans.